La traque, c’est le temps de l’observation. Long. Lent. Le rapport de proximité. Proche mais pas trop. Suivre, apprendre à connaître, se familiariser. Puis l’urgence. L’assaut. La transgression. En tout premier lieu, je ressens profondément la nécessité d’explorer, dans ce rapport de force, le rapport à l’urgence. Lorsque l’être vivant est en situation de stress, il ne peut pas agir ou réagir comme il le fait d’ordinaire. Subermergé.e.s par les émotions, ressenties, partagées, nous sommes acculé.e.s comme des bêtes traquées. Nous réduisons nos rapports à l’autre à nos plus simples instincts de lutte, de protection. Voilà le chemin de ce premier volet du triptyque. La mise en place d’un procédé de prédation, de capture, accélérateur et vecteur de stress, et la résistance qui se met en place dans un inéluctable face à face. Rester à l’affût, en alerte. Une résistance des corps que sous-tend la tension, cette « force qui agit de manière à séparer les parties constitutives d'un corps » et qui est au cœur de mon questionnement. Que vit le corps, que traverse-t-il lorsqu’il est acculé ? Il ne s’agit pas d’apporter une réponse mais d’expérimenter les rapports (de force, de soumission…) et les risques qui en découlent.
#1 Traque fait appel à trois dimensions :
De façon symbolique, il revêt une dimension politique : l’individu dominé, la personne assignée à une place, dont le programme préétabli la réduit à une fonction, malgré, voire contre ses désirs propres. Les personnes en exil. Les nomades. Les étrangers. Les femmes, longtemps considérées comme folles, hystériques, ou sorcières. Toute personne qui se retrouverait à la marge. L’Histoire raconte trop souvent le récit glorieux du héros, celui qui a gagné, qui a terrassé l’autre. Rarement le récit de celui qui a résisté en silence, au péril de sa vie et qui en est mort. Face au réel, une dimension historique, à travers le récit d’inspiration autobiographique d’une personne qui tente de nommer ce dont son corps hérite. La transmission par le corps de la violence subie, de génération en génération, ici à travers l’exemple du génocide des Arménien.nes. Survivances, résurgences et renaissance. Là où ressurgissent les fantômes, ravivant la peur engendrée lors de la tentative de destruction de l’individu, l’intrusion sur son territoire, le franchissement de ses limites, mettant en péril son intégrité. De façon plus imaginaire, une dimension mythologique. La figure d’Artémis représente celle qui permet les passages, elle est la gardienne de ces moments fragiles que sont les métamorphoses. Elle impose aussi, en tant que femme, un interdit majeur - ne jamais la voir nue – qui est sciemment transgressé par Actéon (pulsion scopique). L’équilibre qu’Artémis représente bascule alors par l’effraction d’Actéon. Retournant la violence de son agresseur contre lui-même, Artémis le métamorphose en biche pour qu’il soit mangé par ses propres chiens. Ce que je désire garder d’Artémis c’est avant tout son « entre deux mondes » car ce qui m’intéresse, c’est ce qui se trouve en bordure, le « borderline », mot qui contient à la fois l’idée de zone, mais aussi d’instabilité. Franchissement des limites (interdits, territoires intimes de l’autre). Point bascule (équilibre rompu et basculement dans la sauvagerie par la mise à mort). Artémis est un personnage dual qui contient de façon ambiguë la notion de don (aide à la naissance) et de soustraction.
Lieu de représentation : salle de spectacle, avec rideau de fond de scène noir et tapis de danse noir · Matériel de diffusion : son et lumière · Jauge : 200 personnes · Durée : 40 minutes
Ces ateliers alliant danse et écriture sont destinés en priorité à des collégien.nes (niveau 4e-3e), public particulièrement sensible à la question de la mutation/transformation qui traverse le travail de la compagnie. En lien avec la création #1 Traque, nous explorerons notamment les notions de fragilité et de puissance, en nous appuyant sur les imaginaires et les représentations qu’en ont les élèves. Comment dépasser la binarité, et les stéréotypes qui lui sont liés ? Plusieurs dispositifs d’écriture textuelle et de composition chorégraphique pourront être envisagés, mais nous souhaitons particulièrement, à l’image de la démarche de la compagnie, faire dialoguer l’oral et l’écrit, le « savant » et le « populaire », le corps et le texte, la partition et la voix.
Avec un travail sur le corps mobilisant notamment les outils de Rudolf Laban appelés « Effort-shape », on revisitera des notions fondamentales en danse comme celles de tension, de résistance, de support. Des extraits d’œuvres patrimoniales en lien avec les thématiques qui traversent le spectacle (mutation, geste combatif, geste sportif) pourront être transmis d’après des partitions chorégraphiques en cinétographie Laban (Polonaise de Ted Shawn, Lamentation de Martha Graham, Couples d’Yvonne Rainer…). Ils pourront dans un second temps servir de support à des improvisations et des compositions personnelles des élèves.
Un ensemble de films de danse choisis en fonction des classes d’âge (collèges/lycées/tout public) et puisés dans le patrimoine chorégraphique, permettra en amont du spectacle, de familiariser les différents types de publics avec les thématiques de #1 Traque, ainsi qu’avec l’événement « spectacle de danse » lui-même. L’idée de ces ateliers du regard est de favoriser la parole autour de l’objet spectaculaire et de permettre aux différents publics de se familiariser avec le dispositif et les enjeux (esthétiques, politiques, économiques, techniques…) d’un spectacle de danse contemporaine.